Le Lieu, Le Temps.

Un désert presque absolu.
2400kms d'un périple circulaire.

Espace dont le continuum échappe à la description, tant le passage d'un état géographique à un autre se fait progressivement.

Même les variations de lumière au cours de la journée ou d'un jour à l'autre, sont perçues sans contraste particulier du fait de la stabilité de l'atmosphère.

Temps, celui des voyageurs, matérialisé par des jours de pistes et de non piste, journellement découpés par les arrêts.


TECHNIQUE OPERATOIRE

J'ai entrepris l'enregistrement des séquences espace et temps de ce voyage.

Du départ à l'arrivée, du début à la fin, à chaque arrêt, j'ai procédé à une prise de vues en avant et en arrière de la marche des voyageurs s'enfonçant dans le désert.

Un enregistrement du jour, de l'heure, du kilométrage est effectué à chaque série de prises de vues.

Le cadrage est prédéterminé.
l'horizon perçu d'une hauteur constante est placé dans la médiane du rectangle optique.
Le cadrage enferme une portion d'espace et de sol symétrique située dans la direction ou se produira le mouvement.

Chaque prise de vues est renouvelée en symétrie après une circumduction et une translation dans le secteur anecdotique.

Il n'y a pas de choix de séquences d'espace. Leur enregistrement systématique est aléatoire.
La répétition des séquences n'induit pas que le trajet soit linéaire ou que l'enregistreur conserve l'immobilité enregistrant des séquences de défilement se répétant sans cesse.
La distance kilométrique soigneusement enregistrée ne fait rien à l'affaire, c'est la seule anecdote, et en ce sens elle est mensonge.

L'errance est tributaire du temps seul.

Le temps est objectivement enregistré et communiqué.
je lui assume une fonction de repère incongru s'auto-dupliquant.

L'ombre et la lumière saisies et interprétées dans l'obscurité de la chambre obscure, témoignent d'un déplacement cosmique.

Le médium photo choisi est la couleur, plus sensible que le graphique Noir-Blanc.

Elle se veut le témoignage que l'enregistreur frigide était commandé.

L'opérateur se fait invisible mais présent.
Il commande aux machines et l'on peut penser qu'il est une entité. Unique ? Multiple ?
Interchangeable dans la permanence de ce qui paraît immuable.

Pourtant le compte rendu du regard mécanique n'inclut pas sa présence.

A ce point, quiconque peut se substituer au voyageur.
L'ordonnateur lui délègue le temps imparti qu'il peut gérer à son aise.

L'œuvre est un lieu d'illusion.
Graphique halluciné ou serpent coloré dont on ne peut s'approprier l'apparence.


Cheminement individuel par excellence, ce retour au désert est un parcours initiatique ou seul on est et l'on demeure, confronté comme l'autre, à un temps illusoire et à un espace courbé qui renvoie sans cesse à un recommencement, à une renaissance.

Rien n'est jamais joué, tout peut recommencer.

C'est de solitude qu'il s'agit.
L'autre existe, on le sait, on le suppose, il est et restera invisible. Son souvenir est ou s'efface, il n'est d'aucun secours.


HA.Delord           "TéNéRé"     1986-1992


L'oeuvre comprend 90 panneaux 50x50cm avec deux tirages Cibachrome 25x15cm (tirages de l'artiste)